La différence entre l’amour et l’attachement permet de prendre conscience de la qualité et de la profondeur du lien que vous créez avec l’autre.
L’attachement existe dès la naissance
La notion d’attachement est présente dès nos premiers instants de vie. En effet, le nourrisson est un être voué à s’attacher à quelqu’un dans le but d’être comblé dans ses besoins fondamentaux (d’être rassuré, câliné, nourri, changé…). Si ses besoins sont satisfaits, le bébé pourra construire petit-à-petit son sentiment de sécurité, sa confiance en soi. Autrement dit, le bébé a besoin de quelqu’un d’autre pour se construire.
Si cette étape est normale chez l’enfant, l’adulte qui reste englué dans cette recherche d’attachement à l’autre attendra également de lui, de manière inconsciente, qu’il vienne combler des besoins chez lui, pour se sentir sécurisé.
Nous retrouvons l’attachement dans bien des domaines de notre vie car il résonne en général, pour celui qui est « attaché », comme quelque chose de rassurant et de stable.
On s’attache à des biens matériels ou à notre lieu de vie parce qu’ils nous renvoient une forme de sécurité ; on préfèrera s’orienter vers des contrats à durée indéterminée que vers des contrats courts parce qu’ils représentent eux aussi une plus grande sécurité ; on s’attache parfois à nos blessures parce que l’on finit par s’habituer à notre souffrance, dont on a appris à s’accommoder, au lieu d’entamer un chemin de guérison intérieure qui pourrait perturber tout notre petit monde ; on s’accroche à certaines croyances, parfois toutes faites par le groupe auquel on appartient, parce que cela nous rassure de rejoindre l’opinion générale au lieu de se forger la nôtre et risquer de passer pour un marginal, et j’en passe.
Il est fréquent de confondre l’amour et l’attachement et plus nous sommes attachés à une personne et plus nous avons le sentiment de l’aimer profondément. Mais est-ce vraiment exact?
Le 14 ème Dalai Lama a dit : Faisons la distinction entre le véritable amour et l’attachement. Le premier idéalement, n’attend rien en retour et ne dépend pas des circonstances. Le second ne peut que changer au gré des évènements et des émotions.»
L’attachement est l’enfermement, le désir de posséder l’autre. Il est motivé par une forme d’anxiété cachée, celle de ne pas être comblé.
L’amour n’est pas une monnaie d’échange et ne peut être soumis à une quelconque quantification ou une attente de quoi que ce soit. Dès lors que l’on aime en attendant d’être aimé en retour, qu’on en ait conscience ou non, c’est qu’il ne s’agit pas d’amour mais d’attachement puisque l’on attend de l’autre qu’il nous renvoie un sentiment, une émotion, un geste qui comblera une attente émotionnelle chez nous.
Alors qu’est-ce que l’amour ?
L’amour véritable suppose l’envie de laisser l’autre s’exprimer dans sa propre individualité. Lorsque l’on est dans l’amour, on ne ressent pas le besoin que l’autre nous appartienne ou celui de fusionner. On ne cherche pas à combler avec sa présence un sentiment de solitude, de la peine liée à une relation passée ou toute autre blessure émotionnelle que nous portons. Ce qui compte quand on aime vraiment, c’est l’énergie d’amour que l’on a envie de distribuer à l’autre, sans savoir si elle nous sera rendue d’une quelconque manière.
Ce respect de l’individualité de l’autre peut se matérialiser de différentes manières :
- respecter qu’il ait du temps sans nous ;
- l’encourager à aller au bout de projets qui ne nous incluent pas forcément mais dont on sait qu’ils sont bénéfiques pour lui ;
- refuser d’entretenir toute forme de dépendance affective de l’autre à notre égard, et j’en passe…
Dans l’amour sain on a compris que l’autre ne peut pas devenir toute notre vie ou y prendre toute la place mais qu’il peut représenter un partenaire sur notre chemin avec lequel nous allons souhaiter échanger et créer du lien. Ce lien sera donc basé sur l’accueil et l’acceptation mutuels.
Tout au contraire, l’attachement est souvent teinté d’une forme de dépendance qui va créer la jalousie, les angoisses et le manque. C’est en fait une distorsion de l’amour dans laquelle on ne vit pas, tout comme on n’accueille pas, mais on s’accroche car l’idée même que cet autre puisse ne plus être là demain est angoissante.
J’ai envie de partager avec vous un extrait du livre « Le Prophète » de Khalil Gibran, dans lequel il décrit l’amour dans le mariage:
« Aimez-vous l’un l’autre mais ne faites pas de l’amour une alliance qui vous enchaîne l’un l’autre : Que l’amour soit plutôt une mer qui se laisse bercer entre vos âmes, de rivages en rivages. Emplissez chacun la coupe de l’autre, mais ne buvez pas à une seule et même coupe. Partagez votre pain, mais du même morceau ne mangez point. Chantez et dansez ensemble dans la joie, mais que chacun de vous soit seul, Comme chacune des cordes du luth est seule alors qu’elles frémissent toutes sur la même mélodie.
Offrez l’un l’autre votre coeur, mais sans en devenir le possesseur. Car seule la main de la Vie peut contenir vos coeurs. Et dressez-vous côte à côte, mais pas trop près : Car les piliers qui soutiennent le temple se dressent séparés, Et le chêne ne s’élève pas dans l’ombre du cyprès.»
Les relations d’attachement, largement axées sur le besoin chez l’autre qu’il comble une faille que nous avons en nous (peur d’être seul, blessure d’abandon, manque de sécurité intérieure…), et souvent empreintes de jalousie, dépendance et manque, empêchent les personnes qui les vivent d’évoluer pour elles-mêmes spirituellement.
Cela s’explique par le fait qu’en allant vers des relations qui nous apportent une impression de sécurité, sentiment dont nous manquons intérieurement, on ne sera pas capable d’aller puiser au fond de nous pour justement nous libérer de notre sentiment d’insécurité, de faire face à nos blessures, nos failles affectives pour avancer en toute autonomie.
L’autonomie est une notion extrêmement importante dans le cadre de l’attachement, car si l’on est une personne autonome, indépendante qui n’a pas besoin de posséder une autre personne ou de lui appartenir ; si l’on accepte que le couple ne devienne pas le centre de notre vie ; si l’on comprend que le but d’une existence ne se limite pas à fonder un foyer mais à se trouver intérieurement pour que notre réalité extérieure soit conforme à la profondeur de notre être, alors on pourra aimer vraiment, sans attente, sans projection, sans douleur. Alors on pourra vivre son amour de manière sereine sans être figé par la peur de perdre l’autre. Alors on arrivera à concevoir que toute rupture, si elle doit arriver, ne signifie pas un échec puisqu’on aura profité de chaque moment intensément passé avec notre partenaire comme si c’était le dernier, et que l’on considèrera que l’amour qu’on lui a donné était déjà, en soi, le plus beau des aspects de cette relation.
Il est primordial d’intégrer que l’on ne peut être heureux avec quelqu’un si l’on est pas heureux avec soi. Avant de rechercher éperdument une personne à aimer il faut déjà être capable de s’aimer soi-même. Bon nombre des personnes reproduisant en permanence les mêmes échecs sentimentaux sont en fait directement à la base de cet éternel recommencement car elles confondent l’amour, qui est basé sur le partage, le bien-être, le respect de l’autre et de son individualité, avec l’attachement qui lui est basé sur la peur, le manque, le besoin de combler, le besoin de fusionner, posséder.
Une relation d’attachement finit en général en échec car même si l’autre vient remplir votre vie d’une manière vous permettant de ne pas avoir à faire face à vos propres angoisses, il arrivera un moment où vous constaterez que ce n’est pas suffisant. Attendre que l’autre comble vos besoins, ou vous empêche de vous confronter à vos peurs, c’est rester dans la position de ce bébé qui attendait la même chose de ses parents.
Reculer pour mieux sauter
Ce que vous ne voulez pas affronter aujourd’hui, vous devrez l’affronter demain. Parce que tout comme vous évoluez, votre partenaire évolue aussi. Et même si vous vous êtes attirés parce que vous vibrez à la même fréquence, c’est-à-dire que vos blessures ont attiré certaines des siennes, il arrivera un jour où chacun de vous aura besoin de se confronter à lui-même, de vivre une relation adulte et non basée sur le jeu du « viens, laisse-moi panser tes plaies, laisse-moi te réparer ».
Alors comment être sûr de faire les bons choix amoureux et de vivre une relation d’amour ? En acceptant d’être seul.
Il n’y a que dans la solitude que vous pourrez vous connaître et aller guérir les parties en souffrance en vous qui en ont besoin. Il n’y a que dans la solitude que vous pourrez appprendre à vous aimer vraiment. Je ne suis pas en train de vous dire que vous n’avez besoin de personne car l’être humain est fait pour créer du lien avec les autres, mais plus vous ferez en sorte de vous éviter, et plus les liens que vous créerez seront de mauvaise qualité, même s’ils ne vous en donnent pas l’impression au premier abord. Rester seul le temps de s’apprivoiser, permet de vivre par la suite une relation d’amour authentique.